Le hasard fait bien les choses [PV Sango]

Depuis des lustres, et peut-être davantage même, Arkady n’avait pas pris de temps pour lui. Le boulot, le quotidien, la méthode et l’habitude, sans être devenus moroses pour autant, se trouvaient être énergivores et grands adorateurs d’heures qui se succèdent et n’en finissent pas. C’est pourquoi, en ce jour, plutôt que de prétendre à une quelconque filature ou activité de renseignement, le grand slave s’était laissé aller où le vent déciderait de le mener. Flânant au gré des rues, il en profita certes pour noter mentalement quelques lieux jusqu’alors inconnus, mais il ne cibla rien ni personne. Ses pas l’entraînaient là où ils voulaient le voir aller, purement et simplement.

Aussi, quand au détour d’une ruelle, le blond se trouva à jeter un coup d’œil sur une nouvelle allée, un peu plus vaste, plus large, plus grande et agitée, il lui fallut un temps pour tout ordonner dans sa tête. Ce n’était certes pas le quartier aisé, où il se trouvait finalement. Rien que le langage des passants ou leurs accoutrements, signifiaient bien qu’on n’était pas là en lieu de richesse. Quoique… de son regard aiguisé, l’étranger pouvait fort bien reconnaître quelques individus n’ayant soi-disant rien à faire là. Au-devant d’une bâtisse particulière – dont le rôle et la teneur n’échappèrent pas à notre russe – des hommes, qui ne semblaient pas si pauvres, allaient et venaient. L’entrée de la maison close avalait ceux et celles qui voudraient bien venir dépenser leur argent. Cela n’avait rien d’étonnant. Mais peut-être était-ce justement là que le hasard avait voulu le mener.

Avançant lentement, l’homme à la longue chevelure d’or constata d’abord quelques allées-venues, puis traduisit mentalement les inscriptions sur la devanture. L’endroit était visiblement ouvert, accueillant, et plein de gens plus ou moins bien. Alors les paupières d’Arkady se plissèrent, scrutant et décidant de ce qu’il allait faire. Il ne s’agissait pas là de devoir. Il n’était pas non plus spécialement un consommateur en manque. Mais… la tentation était là. En deux pas, il avait atteint la porte qui le laissait pénétrer dans ce monde à part. Déjà, la chaleur l’appelait. Les lumières étaient différentes. L’agitation elle-même n’avait rien à voir avec l’extérieur. Avec un dernier regard pour la ruelle en plein chamboulement tardif, alors que le soleil tirait sa révérence sur l’horizon voilé d’immeubles mal agencés, il s’engouffra dans le bâtiment, dans le simple but d’en tirer ce qu’il pourrait…

De l’ambition ? Arkady n’en avait pas. N’en ayant ni le besoin, ni le devoir actuellement, il évoluait tout simplement. Sans suivre de règle ou de code. N’étant pas effectivement sur son temps de travail, le trentenaire de faisait là que répondre à quelque chose de semblable à une envie. À une idée soudaine qui lui avait traversé l’esprit. Le grand blond circulait paisiblement dans cet endroit qu’il n’avait jamais fréquenté, à écouter des paroles inconnues, à croiser des individus aléatoires. Pour autant qu’il le sache, l’homme ne voulait pas particulièrement entrer en contact avec les autochtones. Pouvoir aller et venir à sa guise lui suffisait amplement.

Traversant donc le hall d’entrée, puis le couloir, il s’arrêta pour laisser plusieurs humaines, ou seulement mi-humaines. Chaque fois, de son pas lent, il observait, suivait des yeux, s’interrogeait vaguement, et finissait par reprendre sa route. Il gagna bientôt l’intersection qui définirait la suite de son histoire. Le salon ou le bar ? Le choix s’avérait crucial. Ici, des demoiselles semblant fraîches et tendres, les jambes croisées ou le sourire fier. Là, un peu de tout, un peu d’agitation mais aussi de calme, et des verres qui tintent. Par habitude, ou par manque, Arkady se décida à prendre la voie de gauche. L’ambiance n’était pas la même. Il humait déjà les vapeurs d’alcool et les échanges bruyant des consommateurs passablement éméchés. Par chance, il fallait avoir de quoi payer pour être ici, et il ne croiserait pas d’êtres infamants. Nul ne lui barra la route, ne le regarda trop mal ou lui parut être un empêcheur de tourner en rond. Il n’existait là que des types « bien ». Ce n’étaient que des consommateurs aisés, ravis de trouver à portée de main à boire, à manger, et bien plus encore.

Pour sa culture personnelle, le russe se dit que ce serait bien de passer quelques moments en ce lieu. Il pourrait apprendre des choses. Et puis, les langues de putes ne sont pas forcément de mauvais conseil. On devait en entendre de bonnes, ici. Et sûrement que bien des ragots sur Géolia circulaient entre ces murs. Peut-être même que ce ne serait pas une mauvaise idée d’avoir un genre de pied-à-terre, ou d’indic, en ce territoire.
Avançant donc vers le comptoir, pour s’y installer tranquillement, il ne songea que légèrement à tout cela, et ne fit pas plus attention à qui se trouvait autour de lui. Ce n’est qu’après avoir interpellé le barman d’un signe de la main, et commandé d’une verre claire une « vodka-glace », qu’il prit une profonde inspiration et passa à l’étape suivante.

Celle-ci correspondait en un vague et lent regard circulaire sur la foule. Mais tandis qu’il s’apprêtait à tourner sur le côté pour observer la première table, ses yeux se posèrent une seconde de trop sur sa voisine de tabouret. Une allure pâle et plantureuse. Une demoiselle qui aurait aisément pu être sa compatriote. Une jeune femme dont il étudia rapidement quelques détails. Des yeux océan, une chevelure de neige, une prestance audacieuse, un breuvage coloré… le tout dans une disposition qui ne pouvait manquer d’attirer. Mais soit, il passa tout de même. Non sans s’attarder, Arkady scruta vivement des tables plus ou moins calmes pour finalement en revenir là. Son verre arrivait. Il remettait sa chevelure en place. Ses yeux se plissaient un instant pour étudier encore cette étrange voisine…

Si la soirée allait bien se passer ? Arkady n’en savait rien. Il ignorait quelle serait la teneur de cette dernière. Bien que le lieu soit plutôt propice à de bons moments, il ne voyait pas ce qui pourrait le désennuyer et attirer davantage son attention. Enfin… peut-être bien que si. En détaillant cette créature à ses côtés, jeune femme à l’allure tapageuse, il se dit que tout n’était pas perdu. Bien entendu, il n’entendait pas réellement se laisser aller à des divertissements payants et somme toute très attrayant. Mais admirer cette étrangère et discuter un peu ne pourrait pas lui faire de mal. D’ailleurs, ce n’était pas lui qui commençait. La phase d’approche venait d’être entamée.
La détaillant de la tête aux pieds, le russe revint aux yeux de la jeune femme en écoutant sa question. Puis, d’une œillade circulaire, il se remémora l’environnement qui l’entourait. Si la maison lui plaisait ? Hmm…


Dit-il paisiblement, laissant traîner quelque peu son accent et sa voix. Le tout s’évanouit finalement dans l’ambiance sonore omniprésente, faite de conversations et de tintements de verre.
Il signifiait là sa méconnaissance des lieux, mais également son appréciation de l’approche. La regardant encore, il reprit.


Un sourire discret. Arkady étudia sa voisine et grava toutes ses formes dans sa mémoire. Elle devait travailler ici ou chercher une proie facile, assurément. On ne sert pas ainsi pour aller faire ses courses.
N’ayant toutefois pas pour habitude de se faire offrir à boire par une femme, il s’occupa de terminer sa boisson et de reposer le verre sur le comptoir. La suite était entre les mains de mademoiselle.

Il avait vu juste sur tous les plans, quasiment. Sango travaillait ici. Il en aurait mis sa main à couper. Enfin, presque.


Il n’ajouta rien pour le moment, observant juste les déplacements de la demoiselle et les paroles sortant de sa bouche. Arkady ne se sentait pas « pris au piège » mais savait qu’être abordé par une employée de ce genre d’endroit ne pouvait avoir des milliers de significations. Il convenait donc de jouer le jeu. À lui de voir jusqu’où il irait. À elle de voir comme elle voudrait mener tout ça. Acquiesçant à sa proposition d’un signe de la tête, sans un mot, le grand blond tourna les yeux vers le barman qui n’allait pas tarder à reprendre son verre. Il avait l’offre de la demoiselle à consommer, puis la suite viendrait comme elle l’entendait.
Revenant à la jeune femme à la peau et aux cheveux très blancs, il plissa les yeux pour observer les siens. Il lui venait maintenant à l’esprit qu’il ne pouvait comprendre réellement le statut de cette étrange apparition. Important composant de cette maison, sûrement. Mais il ne pouvait ignorer la possibilité qu’elle soit, ou non, un hybride. Rien, présentement, ne l’affirmait ou ne venait contredire cette hypothèse. Alors il héla le barman d’un geste de la main, sans détourner son regardant. Passant une main dans sa propre chevelure pour y remettre de l’ordre, le russe songea un peu, avant de reprendre.


La conversation devait continuer. L’inconnue serait son point de chute pour ce soir. Autant savoir où il mettait les pieds. Surtout qu’il ne se contenterait possiblement pas que de cela.

aArkady n'avait ni l'intention de gagner, ni de perdre. Cette partie-là n'en était pas une. Il ne jouait même pas. À vrai dire, il savait parfaitement qu'il pourrait l'emporter sans même avoir à se forcer, s'il le fallait. Ici, tout était probablement question d'argent, et lui avait des moyens... quasi-illimités. Sa mission étant primordiale - ce qui la rendait aussi infime et difficile à reconnaitre - il ne pouvait se contenter de petits sous. Il avait besoin de gros billets et les avait. S'il lui fallait autre chose, il l'aurait. Rien ne pouvait le ralentir dans sa course contre le monde actuel et ses vices.
Aussi, ce n'est certainement pas une demoiselle comme elle qui le contraindrait d'aucune manière que ce soit. Voilà pourquoi rien ne pressait. Il n'était certes pas un dieu, mais il est des choses plus essentielles que d'autres sur cette terre, et il avait le devoir de les réaliser.
Ignorant donc quelque peu Sango, il remercia bientôt le barman de la tête, prit son temps en faisant glisser son doigt sur le bord du verre, et tourna finalement les yeux vers l'hybride.


Arkady avait trop pris l'habitude de ne pas trop en dire. Du coup, il lui arrivait parfois de ne rien divulguer, même de ce qui ne présentait aucun interet. Voyant neanmoins la legere moue de la blanche demoiselle, il se reprit.


Pouvait-ce être son corps ? Car voilà bien la première chose à laquelle il pensait en la contemplant, maintenant. A moins que ce ne soit autre chose... D'ou venait-elle ? Qui etait-elle vraiment ? Avait-elle autre chose à lui devoiler qui changerait son avis ?


Finit-il par dire, tendant son verre pour trinquer en la regardant dans les yeux. Il ne revenait pas sur sa position. Il évoluait, voilà tout. Un mince sourire sur les lèvres, il voulait voir ce que donnerait la suite.

Il avait visiblement trop laissé passer le temps et ce n'était pas sans conséquence. La chaleur de cette demoiselle semblait s'estomper, à force, alors que celle de l'homme gagnait légèrement en intensité. Le lieu et la situation actuelle, ponctué à l'alcool coulant lentement dans ses veines, tout cela avait pour effet de le motiver toujours un peu plus, paisiblement mais sûrement.
Bien sûr que cette jeune femme était désirable. Et il imaginait tout à fait quel genre de furie pouvait être sienne, lorsqu'elle se laissait emporter par plaisir et désir. Ses formes langoureuses, son esprit fait pour la séduction, toute sa personne faite uniquement pour arriver au but final. Pas de négociation possible et une vision très réductrice des choses. Arkady avait du mal à voir ce qu'il pourrait tirer d'autre d'elle. Mais peut-être bien que céder, dans un premier temps, lui ouvrirait d'autres portes. Il n'était évidemment pas contre s'amuser un peu avec une telle créature. Mais il ne pouvait vraiment se concentrer sur cela. Il aimait contrôler les choses, pas les subir. Et ce n'était pas tout à fait ainsi qu'il voyait les choses. Enfin bon.

Le grand blond attrapa finalement le nouveau verre qui venait d'arriver et, tout comme sa compagne, il le descendit d'une traite. Une brève grimace suite à cela, contenue au possible, et il se leva de son siège. Il devait dépasser la demoiselle d'une tête, ou presque, mais cela n'avait pas d'importance. Il saisit simplement sa main et s'en remit à elle.


Lui dit-il en la regardant en coin, d'un air amusé. Et regardant autour de lui, le russe s'assura qu'il ne connaissait personne ici. L'hybride serait son seul contact. Enfin, il n'avait aucune preuve qu'elle en était une. Il ne pouvait que le sentir. Une forte impression l'en convainquait. Et l'avenir le lui confirmerait sans doute. Il ferait son possible pour ça. Et elle également, sans aucun doute.