Ce jour là

Tu Le vois. Il est là. A quelques mètres de tes barreaux. Ta figure s'est figée lorsque tu L'as vu entrer. Tu étais tranquillement en train d'afficher la tête de l'hybride détraqué, au grand amusement des petits des humains, qui s'amusaient à te faire des grimaces et à t'insulter, et ce avec ton plus profond mépris. Mais lorsqu'Il est entré, tu as su. C'était Lui. Tu hésite. Pour la première fois, tu ne sais quoi faire, tu sens une forte excitation monter en toi. C'est Lui. C'est ton adopteur. C'est lui que tu as choisi. Tu ouvre de grands yeux, choquée. Tu savais que ce jour arriverait, tu savais qu'Il viendrait bientôt, et qu'en L'attendant, tu ne devais pas te faire prendre par quelqu'un d'autre. Mais aujourd'hui, aujourd'hui, maintenant qu'Il était là, maintenant que celui que tu as choisi était dans la même pièce, tu ne savais que faire. Tu t'avoue que tu n'y as jamais réfléchi. Comment vas-tu faire pour qu'Il t'aperçoive, que tu L'intéresse et qu'Il te choisisse ? Fébrile, tu change immédiatement de figure. Tu ravale ta salive (que tu laissais couler en dehors de ta fine bouche pour dégoûter les potentiels adopteurs), essuie tes lèvres. Tes yeux qui louchaient sont à présent animés d'une lueur que tu veux intelligente. La grimace qui déformait les traits de ton visage a laissé place à une mine légèrement hautaine, mais que tu sais attirante (tes créateurs ne t'ont pas fabriquée pour repousser leurs clients). Juste à l'instant appuyée contre le fond de ta cage, tu t'es penchée en avant, permettant ainsi aux regards baladeurs de mieux accéder à ton subtil décolleté... que tu tires vers le bas pour ainsi dire mieux dégager la vue.
Il a les yeux de deux couleurs différentes. Tu n'as jamais vu ça. De plus, ses poils t'intriguent. Rouges. Hérissés. Ainsi, cet humain là est différent des autres. Il a attiré ton regard dès qu'il a pénétré la pièce. Tu le veux. C'est lui que tu veux. Il n'est pas comme les autres parmi les gens de son espèce. Comme toi qui n'est pas de la bonne couleur.
Tu as peur qu'il ne te voit pas. Qu'il te passe devant sans daigner t'apercevoir. Mais tu ne veux pas le montrer. Il ne doit pas savoir que tu désire son attention. Alors tu penche la tête sur le côté, légèrement en arrière, et tu affiche un sourire narquois et méprisant, tout en lançant d'une voix hautaine :
« Tiens un nouvel animal exotique qui arrive parmi nous ! Bienvenue chez les babioles ! »

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